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[Communiqué] Banque mondiale / FMI / G20 : Des mesures au rabais vouées à l’échec

Un quart des pays du Sud laissé sur le carreau

Les mesures ignorent la moitié des pays en suspension de paiement

102 pays (dont 5 à haut revenu) sont potentiellement concernés par les différentes mesures. 86 via les différentes assistances financières du FMI [1], toujours sous formes de prêts et largement conditionnées à des politiques d’austérité [2] ; 29 pays via le fonds fiduciaire d’assistance aux catastrophes [3] (ARC – CCRT en anglais) et 73 pays via l’initiative de suspension du service de la dette [4] (ISSD – DSSI en anglais) lancée par le G20 avec l’étroite collaboration du Club de Paris, certains pays les cumulant en tout ou partie. Sans rentrer ici dans le détail de ces mesures, elles ignorent la moitié des 21 pays actuellement en suspension de paiement [5] parmi lesquels l’Argentine, le Liban, le Venezuela ou encore le Zimbabwe. Incohérences ?

 Toujours aucune annulation des dettes détenues par la Banque mondiale et le FMI

L’absence d’annulation de la part du FMI et de la Banque mondiale renforce l’emprise des créanciers

Depuis le début de la pandémie, FMI et Banque mondiale n’ont cessé de faire des appels du pied aux créanciers bilatéraux et privés pour procéder à des annulations de dette. Détenant 46 % de la dette extérieur publique des 73 pays ISSD, aucune de ces deux institutions ne daignent pourtant en faire de même. En avril 2020, le FMI annonçait 251 millions $US « d’annulation » de ses créances à destination de 29 pays via le fonds fiduciaire ARC. Ce 5 avril, il était prolongé à hauteur de 238 millions $US [6]. En réalité, plusieurs pays du Nord ont alimenté ce fonds afin de rembourser au FMI le service de la dette en lieu et place des 29 pays désignés. Le FMI n’annule rien et les créanciers renforcent leur emprise. Quant à la Banque mondiale elle s’y refuse tout autant, soumise aux intérêts financiers en prétextant devoir protéger sa notation « triple A » alors même qu’elle dispose d’une garantie de 189 États membres, difficile de faire mieux. Hypocrisie ?

 Le FMI annonce une nouvelle allocation de DTS de 650 milliards $US, mais pour qui ?

A peine 1 % de l’allocation de DTS ira aux pays à faible revenu, contre 31,5 % pour les pays à revenu intermédiaire. Les pays à haut revenu se taillent la part du lion (67,5 %)

Afin de résoudre les problèmes de balances de paiement et de baisse des réserves de change des pays du Sud, le FMI devrait allouer d’ici le mois de juin 650 milliards $US de droits de tirage spéciaux (DTS – SDR en anglais). Si les DTS ont le mérite de ne pas peser davantage sur le paiement de dette, la proposition ressemble à s’y méprendre à un coup d’épée dans l’eau. Avec une répartition des DTS déterminée selon des quotas détenus par les pays membres en fonction de leur poids économique au sein du FMI, à peine 1 % de cette allocation irait aux pays à faible revenu, contre 31,5 % pour les pays à revenu intermédiaire. Les pays à haut revenu se taillant la part du lion (67,5 %) [7]. On est dans tous les cas à mille lieux des quelques 3 000 milliards $US sous forme de DTS réclamés par nombre d’organisations travaillant sur la dette des pays en développement. Le CADTM reste quant à lui farouchement opposé à une allocation supplémentaire de DTS. Elle donne de la légitimité au FMI, renforce sa position de créancier, alors même que l’institution est à l’origine des problèmes structurels traversés par ces pays depuis les années 1980. Mépris ?

 L’initiative de suspension du service de la dette prolongée, pour quoi faire ?

Faut-il rappeler que la mesure est une nouvelle fois conditionnée à la signature d’un accord avec le FMI ? Le jeu n’en vaut définitivement pas la chandelle

En avril 2020, le G20 lançait l’initiative ISSD à destination de 73 pays. Elle consistait à suspendre temporairement, pour la période de mai à décembre 2020, le paiement du service de la dette extérieure publique bilatérale. Comme nous l’avons déjà indiqué, il ne s’agissait pas d’une annulation mais d’un report de paiement. Selon cette proposition le paiement était reporté à 2022 puis, vu l’évolution de la pandémie et de la crise économique, le paiement a été reporté à 2024. La situation continuant à se dégrader la période de suspension temporaire fut prolongée une première fois jusqu’en juin 2021, puis jusque fin 2021. Les paiements devant être effectués en 2026.
Alors même que tout le monde – G20-BM-FMI compris – s’accorde à dire que l’ISSD est insuffisante et inadaptée, pourquoi persister dans cette direction ? Du côté des pays concernés, c’est un désaveu certain avec seulement 46 pays ayant introduit une demande d’ISSD. Faut-il rappeler que la mesure est une nouvelle fois conditionnée à la signature d’un accord avec le FMI ? Le jeu n’en vaut définitivement pas la chandelle.

 Agences de notation et créanciers privés font un bras d’honneur aux IFI et aux populations du Sud

Les acteurs privés continuent de rire au nez et à la barbe des IFI et des populations du Sud

Pendant ce temps les acteurs privés continuent de rire au nez et à la barbe des IFI et des populations du Sud. Déjà méprisant à leur égard au printemps dernier, les agences de notation ont de nouveau brandi la menace d’une dégradation de la note souveraine des pays ayant recours à l’ISSD. Quant aux créanciers privés, principaux détenteurs de la dette extérieure publique des pays du Sud, ils continuent d’ignorer sans craintes les annulations de dettes censées être devenues contraignantes via l’illusoire application de la clause de comparabilité de traitement depuis la création du Common Debt Framework en novembre 2020.

 Seules alternatives : Suspension, audit et répudiation dettes

Pour les pays du Sud, il est urgent de prendre acte et d’instaurer des mesures unilatérales d’autodéfense

Les institutions financières internationales restent déterminées à maintenir la corde autour du cou des populations des pays du Sud en ne procédant à aucune annulation. Pour les pays du Sud, il est urgent de prendre acte et d’instaurer des mesures unilatérales d’autodéfense. D’abord par la suspension du paiement de la dette en invoquant l’état de nécessité et le changement fondamental de circonstance, arguments juridiques fondés sur le droit international. Ensuite en procédant à un audit citoyen de la dette publique visant à répudier les dettes illégales, illégitimes, odieuses et insoutenables.

Le réseau CADTM international soutient toutes les initiatives des mouvements sociaux et de la société civile au Sud comme au Nord, d’annuler les dettes externes publiques et d’allouer ces sommes aux exigences de la santé publique en ces temps de Covid-19.